Les organisations ne manquent jamais de ressources pour communiquer. Le problème ne vient pas d’un déficit d’idées ou de moyens, mais de la manière dont les départements communication sont structurés. Dans de nombreuses grosses entreprises et organisations internationales, ces départements deviennent progressivement trop vastes, trop segmentés, organisés en silos. Relations publiques d’un côté, digital de l’autre, réseaux sociaux, branding, institutionnel. À force de compartimenter, la vision globale se dilue.
Dans ce type de structure, la production prend peu à peu une place centrale. Produire devient un indicateur de performance. Chaque équipe doit démontrer sa valeur par des livrables, des formats, des campagnes. L’utilité réelle des contenus passe parfois au second plan. Ce fonctionnement n’est pas lié à un manque de compétence ou d’engagement. Il répond avant tout à une logique organisationnelle dans laquelle produire permet d’exister.
La communication avance alors par accumulation. Les supports se multiplient, les messages se superposent, sans toujours être réellement coordonnés. L’alignement stratégique, faute de pilotage clair, devient secondaire. Ce phénomène, longtemps associé aux grandes structures, ne disparaît pas. Il change de dimension.
Avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, cette logique s’intensifie. Les équipes, déjà segmentées, disposent désormais d’outils capables de produire des textes, des visuels et des déclinaisons en quelques secondes. La capacité de production atteint un niveau inédit. Mais produire plus ne signifie pas automatiquement communiquer mieux. L’IA ne crée pas le problème. Elle agit comme un accélérateur de dynamiques déjà existantes.
On le constate très concrètement sur de nombreuses plateformes et sur beaucoup de sites web. Les dispositifs sont techniquement sophistiqués, parfois impressionnants, mais les messages deviennent plus difficiles à saisir. L’information essentielle se noie dans une abondance de contenus. La hiérarchie n’est plus claire. L’outil est maîtrisé, mais le sens se fragilise.
Le problème n’est donc ni technologique, ni lié à l’IA elle-même. Il est structurel. Il tient à la manière dont les décisions de communication sont prises. Qui décide de ce qui mérite d’être communiqué ? Avec quel objectif précis ? Dans quel ordre ? Et pour quel public ? Tant que ces questions ne sont pas clairement posées et partagées, même les meilleurs outils accélèrent la dispersion.
La solution n’est pas de ralentir l’innovation ni de renoncer aux nouveaux outils. Elle commence par la Direction. C’est à elle d’avoir des objectifs de communication clairs, assumés et hiérarchisés, puis de les traduire en un cadre lisible. Sans cette clarté en amont, aucun outil, aussi performant soit-il, ne peut produire de cohérence.
Une fois cette ligne posée, le rôle du département communication change. Il ne s’agit plus de produire pour produire, mais de s’aligner sur des objectifs précis, partagés et compris. Dans ce cadre, l’IA peut devenir un véritable levier, non pas pour occuper l’espace, mais pour renforcer ce qui est déjà utile, pertinent et cohérent.
En communication, la technologie ne remplace jamais une vision. Sans cap clair donné par la Direction, elle ne fait qu’accélérer ce qui dysfonctionne déjà.